ANTEZ
Je connais Ricardo depuis des années
(en français argotique, des
lustres) oui car ce furent des années-lumière,
celles qui nous
éblouirent,
portant nos révoltes communes contre le Système,
contre l'art
établi, ses mensonges, ces années 80 durant lesquelles naquirent
ces groupes qui marquèrent tant de leur violence et de leurs rêves la nouvelle musique,
que l'on nomma "bruitiste", "industrielle" ou "post-futuriste".
Nous nous croisions sur les mêmes scènes, au bord de l'extase et des regards enflammés,
quelque chose nous portait, un mystère que nous voulions tous préserver, sauvegarder,
celui qui nous permettait de transformer notre sensation, son vertige en don.
Oui, mon groupe, ETANT DONNES et Ricardo, ANTEZ.
Puis nous quittâmes les villes pour travailler à l'écart,
le temps se prêtait plus à la méditation, à l'écoute de la poésie de l'écart,
le temps se prêtait plus à la méditation, à l'écoute de la poésie de l'Ouvert.
Et c'est là que nous nous revîmes, partageant des marches sur les crêtes des collines
du Sud ou traversant en silence les forêts secrètes.
ANTEZ tourne autour de la peau d'un tambour, il crée son cœur, il écoute sa palpitation,
la vie naissant sous ses doigts se diffractant peu à peu en irisation sonore.
Haut et bas, glace et feu, ANTEZ le médium est au centre, soumis à l'Energie.
Temps et espace, tout devient corps, car il possède nos corps, nous les auditeurs
ou plutôt les assistants de ce rite chamanique.
Le son primordial d'ANTEZ est semblable à ce chemin ébauché dans l'herbe,
que l'on découvre en se retournant. Signe de notre traversée, cicatrice amoureuse du monde,
il témoigne de notre existence, de son pourquoi.
Voilà, quelques paroles.
Eric Hurtado
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Un immense tambour (la peau tournée vers
le ciel), une lampe rouge
placée
juste en dessous et des cymbales, du cuivre, disposés sur les côtés.
Antez, l'infini en toutes choses mais surtout dans sa musique, un geste
unique ;
en frottant une cymbale sur la peau, Antez donne naissance à une note
qu'il
conservera coûte que coûte en tournant autour de l'instrument.
Ici le temps ne compte pas, cette gigantesque note sans fin se déploie
dans la pièce, elle s'enrichit et se charge de micro variations, de
lignes
de fuite déchirées, suaves, agressives ; elle contient les mécanismes
du monde.
Quand Ricardo (du sang portugais coule dans ses veines)
atteint le noyau de sa musique, celle-ci nous élève et gagne en nous un
espace
caché dans notre âme d'humain. On peut se sentir aux pieds de la grande
vache
noire de Lascaux, ou la tête plantée dans l'océan...
on peut avoir envie de crier. Bourlingueur depuis des années et des
années,
artiste ultra punk au service d'un art radical dont l'intensité des
émotions
détruit l'ordre... mais que c'est beau ces gens sur cette terre,
qui ont une autre vision de la musique(ici rotative), qui la touchent
par
d'autres bords et la partagent. Car oui, c'est juste de la musique.
Aymeric Hainaux mai 2022.
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Dans la circulalité du frottement des
matières et du mouvement corporel,
CONTINUUM envisage le son comme trajectoire modulée en profondeur
par le temps parcouru, dont les
frictions libèrent la musique de leur itinéraire,
par sympathie avec le lieu et ses résonances propres.
Festival Akouphène, Genève 2019.
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Antez, un magicien !
Cent regards plus les nôtres
Fascinés les uns les autres
Envoûtés par le son suspendu
Lentement minutieusement issu
De l’action d’instruments conçus
Pour dialoguer avec la peau tendue
Antez le magicien inventant son manège
Tourne inlassable créateur de sortilèges
Sous ses doigts mesurés un monde
Fabuleux s’élève au fil de la ronde
Aigus et lancinants sourds et éclatants
Les sons se dispersent aux quatre vents
D’un tube s’échappe un plain chant
Une cymbale entre en mouvement
Saccadé haché surgit un long vibrato
Soutenu s’achevant en un dernier sanglot
Des entrailles de la terre jaillit le magma
Etincelles fusant en harmonieux brouhaha
Des Temps Modernes machines haletantes
Sourdent des stridences de vapeur sifflante
Pont jeté patiemment entre les âges
S’assemble sous les doigts du sage
Cette structure idéalement composée
Cristal vibratoire aux facettes empesées
Les notes éclaboussent et glissent
Rebondissant aux murailles lisses
De l’improbable palais médiéval
Selon un rituel religieusement idéal
Marc Ely, Monptellier 2015..
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Une cérémonie énigmatique, qui invoque les esprits d’on ne
sait quel monde parallèle.
Un sorcier du son qui entame une étrange
danse, une transe, en circonvolution
autour
d’une grosse caisse
horizontale, centre d’un univers
qui entre
progressivement en
vibration. D’abord fragile, à fleur de peau, avant
d’enfler,
gronder,
de se propager au sol, aux murs, à toute la ville peut-être…
Festival Bruisme, Poitiers 2016.